Historique...

L'origine des langues des signes que pratiquent les Sourds est aussi mystérieuse que celle des langues parlées. Les Sourds ont existé depuis l'aube de l'histoire humaine ; et depuis que les Sourds se rencontrent, notamment dans les villes, ils ont développé entre eux cette langue - des témoignages en font foi dès l'Antiquité. L'abbé de L'Epée ouvrit la première école destinée aux jeunes Sourds en 1760 à Paris, et devint célèbre à travers l'Europe. Cependant, la méthode qu'il inventa, les ‘signes méthodiques', fut progressivement abandonnée au profit de l'utilisation de la langue des signes, permettant aux Sourds formés dans ces écoles de devenir eux-mêmes professeurs, voire directeurs d'écoles. Le milieu médical et les pressions politiques imposèrent l'interdiction de la langue des signes dans l'éducation des jeunes Sourds de 1880 à la fin du XXe siècle. Depuis une vingtaine d'années, face à l'échec massif des méthodes orales, la langue des signes est de nouveau reconnue pour l'éducation des jeunes Sourds. Elle est l'objet de recherches et d'enseignements de plus en plus nombreux dans les Universités.

La langue des signes française

La langue des signes est une langue dont la structure est intimement liée avec le système de perception visuelle. Le sourd est une personne qui ne communique généralement pas verbalement, ou très difficilement, mais en langue des signes, puisque cette langue répond à une logique visuelle et non auditive. Le sourd perçoit le monde visuellement et physiquement, et s'exprime de la même manière. C'est pour cela que la langue des signes sollicite le corps. Cette langue, dont le caractère iconique garantit la construction des pensées et la conceptualisation, permet au sourd de se structurer, de s'identifier dans un sentiment d'appartenance à une histoire. Et comme toute langue, la langue des signes possède la flexibilité requise pour créer tout nouveau vocabulaire et toute nouvelle structure grammaticale nécessaire. Comme toute langue, la langue des signes possède une pleine capacité d'expression, et notamment de tout domaine d'abstraction.

Cette langue permet également aux individus de se forger un esprit critique, de développer leur raisonnement, et d'acquérir la capacité d'avoir du recul, de mettre en œuvre une réflexion analytique.

La langue des signes est une langue à part entière qui a une légitimité éducative et culturelle, une langue vivante, une langue d'enseignement, un élément de construction pour l'enfant sourd, l'accès à une culture et à un patrimoine, une langue à dimension esthétique, poétique. Cette langue permet à l'enfant sourd d'avoir accès aux mêmes savoirs qu'un enfant entendant car elle est la langue naturelle de l'enfant sourd et elle lui permet de développer son identité, son autonomie, sa confiance en lui, d'accéder à des connaissances scolaires et générales et d'entrer dans une deuxième langue : la langue française écrite.

La langue des signes n'est pas une langue universelle : le vocabulaire diffère d'un pays à l'autre. Cependant, la grammaire étant sensiblement la même, les Sourds du monde entier peuvent se rencontrer et échanger rapidement. Ainsi, l'Assemblée européenne a publié un texte : Protection des langues des signes dans les États membres du conseil de l'Europe, en 2001, dans lequel elle promeut l'utilisation de la langue des signes pour les personnes sourdes.

Les études linguistiques sur la langue des signes se développent en France : à partir des premières études de Paul Jouison, puis des recherches actuelles de Christian Cuxac (Paris VIII), diverses universités ont créé des équipes dédiées à ces études (Paris, Rouen, Lille, Toulouse, Bordeaux, Grenoble, Nancy, Rennes, etc.). Ces recherches permettent de comprendre les structures de grande iconicité des langues des signes (transferts personnels, processus d'iconicisation, etc

La culture sourde

On appelle culture sourde la façon de vivre propre aux personnes sourdes. Cette culture est axée sur l'appréhension visuelle et gestuelle du monde. Ainsi, les Sourds ont l'habitude d'adapter leur environnement pour faciliter la communication visuelle, utilisant également les vibrations pour s'interpeller (par les planchers ou les tables par exemple). L'appréhension visuelle du monde entraîne aussi un autre rapport au corps : par exemple, il est fréquent dans le monde des sourds de se toucher, de se taper sur l'épaule (la voix ne pouvant servir à s'appeler).

La culture sourde est également une attitude : les Sourds ont une grande connivence entre eux - due aux mêmes difficultés rencontrées ; ils acceptent également aisément les entendants qui comprennent leurs besoins et sont en empathie.

La culture sourde fait preuve d'un grand sens de l'humour, exprimé par le visage, les mains et le corps, qui permettent aux sourds de s'exprimer et de s'épanouir comme tout entendant. Les mains et les yeux sont très importants pour les Sourds : ils sont leur monde d'accès au monde et à la vie sociale, ils sont "sacrés".

Les institutions et l'histoire tiennent aussi une grande place pour la communauté des Sourds : ceux-ci adorent se retrouver dans diverses associations, centres de loisirs, tournois sportifs ou de multiples autres activités.

Pourquoi promouvoir la LSF ?

La langue des signes a été utilisée dans l'éducation des jeunes sourds depuis la création des premières écoles en 1760 jusqu'en 1880. Elle a donné d'excellents résultats : les sourds ont pu accéder à une formation de qualité, devenant professeurs, directeurs, artistes, écrivains, artisans, etc

Fin XIXe siècle, deux mouvements se conjuguèrent : l'interdiction des langues minoritaires au profit de la langue nationale et le développement du pouvoir médical, qui aboutirent à l'interdiction de la langue des signes dans l'éducation des enfants, sous le prétexte de ‘normaliser' les Sourds. Le résultat a été catastrophique : au bout d'un siècle, plus de 80 % des Sourds sont illettrés, limités à des métiers manuels, souvent au chômage.

Heureusement, depuis une vingtaine d'années, grâce au combat des Sourds, à l'influence de divers pays européens et américains, ainsi qu'aux réflexions de divers spécialistes (psychologues, linguistes, historiens, pédagogues...), la langue des signes retrouve droit de cité dans la société et l'éducation des Sourds.

En effet, par définition, pour les enfants sourds, la perception des stimuli auditifs posant problème, il leur est très difficile d'apprendre le français oral. La meilleure méthode passe par l'apprentissage de la L.S.F., la seule langue qui leur soit naturellement accessible, ceci afin de leur permettre l'acquisition de toute connaissance et leur assurer un développement optimal de la personnalité.

Développement des différents métiers en / de  LSF:

Les métiers de/en LSF sont de plus en plus répandus depuis une vingtaine d'années : animateurs, formateurs, interprètes, éducateurs, médiateurs, acteurs... De nouvelles formations universitaires sur et en langue des signes sont ouvertes chaque année.

En outre, de nombreux entendants se tournent vers la L.S.F., pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou encore par désir de s'enrichir d'une nouvelle culture et d'utiliser une langue fort éloignée de la leur. C'est ainsi que les Sourds trouvent des interlocuteurs de plus en plus nombreux dans des domaines d'activité très divers.

Vous-même, parents d'enfant sourd, pouvez apprendre le plus tôt possible la langue des signes, afin de faciliter l'épanouissement intellectuel et psychologique de votre enfant.

Les sourds tiennent à bénéficier de l'accès à la société française par des moyens adaptés et le respect de leur identité, ce qui les amènera à être des citoyens autonomes, cultivés et intégrés dans la vie culturelle, sociale et professionnelle. La LSF est donc nécessaire à la construction de l'enfant sourd afin qu'il puisse s'ouvrir sur le monde.